CAP Champenois dans la Marne, ou l’appétit de création d’Hervé Coutelas
Publié le par Frédéric Marais
Entrepreneur dans l’âme, que l’étiquette de “patron social” ne rebute pas, Hervé Coutelas est aussi un fervent défenseur du made in France.
Le président de Cap Champenois à Reims a construit son groupe à coups de créations et de reprises d’entreprises. Tout en prouvant que l’on pouvait réussir dans les affaires sans renier ses convictions humanistes. Portrait.
Un patron qui ne se prend pas de salaire, mais qui au contraire vend son appartement en Corse pour renforcer financièrement sa holding ? Qui n’hésite pas à « sacrifier de la marge et de la rentabilité » pour garantir « des emplois durables » à son personnel ?
Qui fait de la lutte contre le chômage « une grande cause nationale » et pour qui un licenciement est un « drame ». Qui a le patriotisme économique chevillé au corps et reverse un tiers des résultats de l’entreprise aux salariés (réinvestissant les deux autres tiers) ? Ne cherchez plus : cet oiseau rare s’appelle Hervé Coutelas, et c’est le président du Groupe New Cap à Reims qui possède entre autres, la menuiserie Cap Champenois.
C’est aussi un entrepreneur émérite, avec sept créations ou reprises d’entreprises à son actif, ce qui lui permet de revendiquer la création « de plus de mille emplois » tout au long de sa carrière. Agé de 63 ans, Hervé Coutelas n’a aucunement l’intention de raccrocher. « Je compte travailler encore une vingtaine d’années car j’ai l’impression d’être au début de mon projet », annonce-t-il, la tête fourmillant d’idées.
Tant que ce karatéka de haut niveau, qui fut « aux portes de l’équipe de France », tiendra la forme… N’est-il pas également le président du Cercle rémois d’arts martiaux, club qu’il a lui-même fondé en 1984, et qui compte aujourd’hui quelque 300 membres ? Une autre belle réussite du dirigeant rémois – mais cet homme a-t-il connu l’échec ?
A ses débuts, Hervé Coutelas ne prend pourtant pas vraiment le chemin de l’entreprise. Il prépare l’Ecole normale, mais n’enseignera jamais. « J’ai trouvé un boulot de commercial dans le bois et ses dérivés. On m’a embauché pour être représentant dans les matières plastiques. Au bout de cinq ans, j’ai souhaité créer ma propre boîte. »
Les Plastiques du Nord-Est voient le jour en 1985 à Muizon, dans la Marne. « Très vite on est monté à 10 millions de francs de chiffre d’affaires », explique l’entrepreneur. Ce succès attire l’attention de la société Thermoplast, avec laquelle Les Plastiques du Nord-Est fusionnent bientôt.
En 1988, Thermoplast revend ses parts et, un an plus tard, Hervé Coutelas crée sa deuxième société, Plastic System International. Qu’il cède en 1996 à l’Allemand Thyssen, alors que l’entreprise compte 80 salariés, 5 agences, et réalise 96 millions de francs de chiffre d’affaires. Le fondateur est nommé directeur général France.
La seconde partie de la saga d’Hervé Coutelas s’ouvre en 1999, avec la création d’une société qui lui appartient toujours, Cap Champenois (Cap signifiant Concept Aluminium Production), à Tinqueux, près de Reims.
« Nous avons démarré avec trois ou quatre personnes et une petite machine. J’exerçais parallèlement les fonctions d’agent commercial pour ne pas peser sur les comptes de l’entreprise », confie le président. Une règle de conduite à laquelle il n’a pas dérogé depuis.
Le cœur de métier de Cap Champenois : la fourniture de menuiseries PVC ou aluminium prêtes à poser.
L’entreprise se spécialise dans les « moutons à cinq pattes » et les petites séries. Uniquement dédiée à l’aluminium au départ, elle ajoute le PVC à son catalogue quelques années plus tard, « pour être plus crédible ».
« J’avais trois solutions, se souvient Hervé Coutelas, créer moi-même l’activité, m’associer, ou procéder par croissance externe. » C’est la troisième hypothèse qui sera retenue, avec la reprise en 2005, à la barre du tribunal de commerce, de l’entreprise PVC Design à Châlons-en-Champagne.
En 2011, le dirigeant fusionne les deux entités – PVC Design et Cap Champenois – et les regroupe sur un même site à Reims, dans une usine inoccupée de 12.000 m2. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
En 2013, Cap Champenois reprend la Société Nouvelle SMVF (neuf personnes à l’époque), qui fabrique des vérandas en Moselle. La même année, la société rémoise s’attaque à un plus gros poisson, en faisant l’acquisition d’Isoplas à Harfleur (Seine-Maritime), alors placée en redressement judiciaire. C’était l’usine intégrée du groupe Huis Clos, lui-même liquidé en 2013.
« C’était l’occasion pour nous de passer à la vitesse supérieure », souligne Hervé Coutelas. Celui-ci offre de reprendre 120 des 175 salariés, « alors que nous n’avions besoin que de 70 personnes pour pouvoir fonctionner ». « Mais il s’agissait d’un projet économico-patriotique consistant à préserver un maximum d’emplois d’Isoplas. »
Bénéficiant d’une baisse de loyer et d’aides diverses réunies grâce à la constitution d’un véritable « comité de salut public » sur place, Cap Champenois embauche 20 personnes supplémentaires en seulement un semestre et fait 15 millions d’€ de chiffre d’affaires au bout de quinze mois, durée du premier exercice. Isoplas clôt son deuxième exercice à 20 millions d’€ de CA et 200 000 € de résultat.
L’appétit venant en mangeant, Hervé Coutelas reprend Fermoba en 2014 (portes et fenêtres), une autre entreprise en difficulté, soit une usine dans le Nord qu’il rapatrie à Reims et onze magasins qu’il veut transformer en concessions.
Fermoba devient la troisième filiale à 100 % de la holding New Cap créée en 2011, qui comprend aussi Cap Champenois et Cap Isoplas. Le groupe emploie actuellement 240 personnes, dont 70 dans l’usine de Reims et 120 dans celle d’Harfleur.
Forte d’un parc machines que le président évalue à 20 millions d’€, l’entreprise est en capacité de doubler sa production et d’entrer de plain-pied dans l’ère industrielle. Toujours animé par la même « passion d’entreprendre et de créer des emplois », et par le sentiment « d’être utile », Hervé Coutelas est aujourd’hui à la recherche d’un point de chute dans le sud de la France pour produire sur place et économiser des frais de transport. « Ça pourrait se concrétiser début 2018. »
Pas question en tout cas de délocaliser la production, pour ce patron qui a refusé de reprendre l’usine roumaine de Fermoba et qui se dit « patriote », voire « chauvin » sur le plan économique. S’approvisionnant exclusivement chez des fournisseurs français, quitte à vendre un produit fini « jusqu’à 30 % plus cher ».
Un parti-pris qui lui a plutôt souri. Son groupe réalise 30 millions d’€ de chiffre d’affaires (7 pour Cap Champenois, 18 pour Cap Isoplas et 5 pour Fermoba). Il fabrique entre 60.000 et 70.000 menuiseries aluminium et PVC par an (dont 20.000 à Reims), un millier de portails à Harfleur et plus de 400 vérandas à Reims. Ses clients sont exclusivement des professionnels, au nombre de 1.500 environ.
Au fait, on oubliait : Hervé Coutelas a aussi créé Groupe Cap France, un GIE qui fédère une cinquantaine de fabricants ou d’installateurs à travers la France.